Tenir compagnie au dessin

Dessin avec papier transfert


Chacun a sa dose d'indépendance. Je suis occupée à percevoir. Le dessin est là aussi (ligne de rencontre entre les choses présentes?). Je laisse ce dessin "dans l'air" se frotter à mon mouvement, faisant une danse sur le papier, parfois en dehors du papier. Le geste visite la rencontre: je lui fais confiance et tente de l'accompagner. Je le laisse trembler, hacher, pointer, effleurer, survoler, trouer, se poser. Je regarde ces traces qui ne sont plus la marque de mon expression. Une écriture qui n'est pas non plus ficelée au prétexte de notre rencontre, ce que je vois et qui me met en mouvement; il est juste possible qu'elle y affleure.


Je reprends l'expression de compagnonnage à la danseuse Alice Chauchat



Interrogation / Pari

Il y a aussi, dans le geste au dessin, les automatismes du corps qui dessine et le format du papier, tous deux jouant ensemble. M'éloignent-ils de la rencontre de ce dessin compris comme une danse perceptive? Ils peuvent aussi s'y mélanger, voire même en être un appui, tout autant que l'empêcher d'émerger. Ne connaissant pas à l'avance cette chose, je n'en serai jamais sûre.

Le neurophysiologiste Alain Berthoz relate une expérience de regard aveugle: je prends une carte d'un tas de cartes portant les chiffres de 1 à 9, et la place à la frontière extérieure du champ de vision périphérique d'une autre personne, là où elle la perd de vue. Si je lui demande de dire au hasard quel est le numéro sur la carte, sa réponse sera souvent la bonne. En ce moment, c'est ce même type de pari que j'imagine faire à chaque geste, à chaque trait. Une attitude de confiance dans un hasard que je soupçonne autre.